Jacques Perconte
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018
  15 septembre 2014  
Olcèse, Rodolphe, Alexandre, Jérôme, À bras le corps, magazine électronique.
Mistral
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Jacques Perconte descend dans la sacristie du vieux collège cistercien pour y proposer une expérience inédite, et montrer comment ce lieu communique avec un monde dont la richesse est inépuisable, par le mur même qui l’en sépare. C’est le monde de l’art, mais c’est le monde de la vie aussi bien. Les compétences technologiques incroyables qu’engage la pratique de Jacques Perconte se mettent ici au service d’une simplicité saisissante. Ses images aux milles couleurs éclatantes épousent une forme que le mur de la sacristie propose lui-même. Elles s’incrustent à même la pierre pour travailler avec elle à ce à quoi le bâtiment tout entier invite peut-être, une forme de lâcher prise devant l’élément technique, qui cesse d’être un empire pour se mettre au service d’une forme plus haute, laquelle engage d’elle-même des possibilités que nul, pas même son auteur, ne pourrait anticiper. Cette pièce surprend, elle nous donne quelque chose que nous ne pouvions pas attendre d’elle et que produit, au-delà des intentions plastiques de Jacques Perconte, la rencontre incroyable entre deux savoir-faire – pratique filmique et architecture — dont les résultats nous disent pareillement quelque chose comme « je vois » — « video » — et travaillent à entrainer notre regard à travers le leur. Réjouissons-nous de ne pouvoir faire le tour, pour nous en emparer, du jour sur lequel nos yeux peuvent ici s’ouvrir.

Mistral est en effet une pièce générative, qui fait se succéder des vues précises et concrètes du paysage du Gard capté depuis un canot qui descend l’Ardèche, à d’autres plus abstraites, à travers lesquelles des règles de fractures de l’image agissent aléatoirement pour produire un mouvement qui en droit n’a pas de fin. Jacques Perconte met ainsi en place un principe d’in-finition au cœur de son travail. Cela ne s’arrête jamais. Quelque chose derrière la paroi semble se prolonger, déborder de toutes parts. Le fleuve coule derrière le mur et la sacristie est elle-même emportée sur les eaux. Une manière de rappeler qu’elle est aussi une arche, dans son architecture comme dans le sens qu’elle véhicule pour ceux qui en vivent la mémoire et la destination.
Mistral est une œuvre qui rejoint également le lieu où elle se déploie par la temporalité qu’elle engage. Les visiteurs doivent accepter qu’elle a commencé avant leur arrivée et qu’elle se poursuivra après leur départ, ce qui leur est sans doute habituel quand ils traversent un paysage, mais l’est moins quand leur sensibilité esthétique les fait venir aux expositions. « Le temps et l’espace sont entretissés », belle expression d’Abraham Heschel qui évoque le rituel juif comme une « architecture du temps » (Les bâtisseurs du temps). C’est peut-être le fond de toute aventure artistique véritable que de bâtir le temps à sa manière et d’y mettre en évidence, par-delà les démentis de l’histoire qui nous sont infligés quotidiennement, une hospitalité que  nous ne pouvons creuser qu’à nous y abandonner.


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