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GENESE
Rares sont les moments aussi riches que celui du lancement d’une nouvelle revue de recherche. Radial prend racine dans un contexte particulièrement excitant, celui des débats sur la recherches dans les écoles d’art (art plastiques, design graphique, architecture et création littéraire) et des nouveaux enjeux qui découlent de partenariats inédits avec l’Université. Cela fait déjà quelques années que les écoles d’art s’interrogent sur l’opportunité de la création de doctorats et la manière dont il serait possible de défendre la spécificité d’une recherche en art à l’intérieur de formes institutionnelles déjà très balisées.
C’est donc dans cet environnement que nous avons créé la revue Radial comme revue de recherche du RADIAN (Recherche, Art, Design, Innovation, Architecture en Normandie), initiative conjointe de l’Ecole Supérieure d’Arts & Médias de Caen/Cherbourg (ésam), l’École Supérieure d’Art et Design Le Havre-Rouen (ESADHaR), l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie (ENSA) et l’école doctorale 558 « Histoire, Mémoire, Patrimoine, Langage» (HMPL).
Chaque numéro de Radial se composera d’une partie « thématique» – ici, le post-internet – et de « varias ». Et comme dans les écoles d’art le fond et la formes sont indissociables, nous faisons le pari de confier le mise en page de chaque numéro à un designer graphique différent (Mathieu Roquet pour ce numéro).
THEMATIQUE « En finir avec le post-Internet »
Comme pour tous les post — et comme la plupart des « ism » avant eux — le préfixe « post » accolé à Internet est inadéquat, mais il n’en demeure pas moins qu’il renvoie à une situation culturelle actuelle. On pourrait dire que post-Internet désigne le moment où Internet fait partie de notre existence au point qu’il ne paraît plus être quelque chose d’exceptionnel. Ici, Internet n’est plus envisagé dans sa pure composante technologique mais englobe les usages de cette technologie : partage de fichiers, d’images, d’informations, lieux de sociabilité et/ou de pouvoir, manière d’envisager et de s’accaparer des œuvres (des arts « traditionnels » jusqu’aux séries télévisées), outil de création, etc. Pour le dire autrement, le post-Internet désignerait l’époque où utiliser le net devient aussi banal que jadis utiliser un crayon, un moment où « les nouvelles technologies » sont débarrassées de leur aspect a priori technologique.
Cet usage d’Internet a largement modifié notre usage du monde. Comme l’affirme l’artiste Gregory Chatonsky « Avec l’ontologie du réseau nous sortons (enfin) des théories immatérialistes du digital : pendant longtemps, Internet a été considéré comme une forme de contre-monde, de monde imaginaire, de monde dégradé parce que factice. On l’opposait à la “vraie réalité” selon une logique de l’adéquation entre la réalité et la vérité. Or l’influence d’Internet sur la production des phénomènes, sur les événements et sur nos perceptions, rend cet immatérialisme caduc. ». Ainsi, Internet a rendu plurielle notre approche de ce qui nous entoure si bien que, pour beaucoup, la question du rapport au « réel » — si tant est qu’on puisse élaborer une ontologie du « réel » — se complexifie.
Ce (nouveau) paradigme post-Internet a bien évidemment eu des conséquences sur la création. Plasticiens, musiciens, romanciers, chorégraphes… l’ensemble de la création contemporaine s’est emparé de cet imaginaire et de ces usages. C’est de cela qu’entend parler le premier numéro de la revue Radial.
Le premier texte est proposé par Grégory Chatonsky. L’artiste, aussi connu pour ses textes regroupés sur son site web, à pris l’habitude de partager ses réflexions sur l’art contemporain, Internet et le numérique. Pour Radial, Gregory Chatonsky s’est ici attelé à la lourde tache de tenter de circonscrire une définition du post-digital. Pour lui, il parait illusoire de compartimenter les genres surtout dans un monde où les frontières sont poreuses. Pour comprendre où va le post-digital, il convient d’abord d’en circonscrire la fin, et ce n’est qu’a partir de ce moment qu’il devient possible de poser un regard critiques sur les productions de ces dernières années. Dans le même ordre d’idée, Jacques Perconte revient sur son parcours ainsi que sur la manière dont il envisage son travail. A travers cet entretien mené par Garam Choi (diplômé de la section Art du Havre en 2018), l’artiste montre que les liens entre l’art et l’ordinateur se sont construits tout au long de son parcours et de ses rencontres.
Laura Partin revient, quant a elle, sur des artistes ou des collectifs (The Yes Man, Christoph Schlingensief, 01001011101011.org) ayant parvenu à proposer des nouvelles postures d’activistes via le net. Elle développe notamment l’hypothèse que ces nouvelles formes, apparues au moment de la popularisation d’Internet, usent de la « ruse » et de la « tromperie » pour parvenir à leurs fins. Elle y interroge la manière dont une « esthétique de la tromperie » est à même d’induire des conséquences bien réelle sur l’espace public.
Le duo d’artiste Emilie Brout et Maxime Marion font partie de la génération de ce qu’on a coutume de nommer les digital natives. Leurs œuvres parlent du rapport complexe que nous entretenons avec les technologies connectées ; à plus fortes raisons lorsque ces dernière sont chargées de nous surveiller et/ou de nous proposer des postures de vie. Dans leur entretien avec Maxence Alcalde, ils reviennent sur leur parcours et les questionnements qui les portent à manipuler les technologies pour manipuler le réel.
Enfin, l’artiste Stéphane Troiscarrés propose un texte comme une réflexion en cours sur l’histoire de l’image, ou plus exactement ce qui fait de nous d’invétérés iconodoules. Pour ce faire, il montre notamment comment l'acheiropoièse — qui fut le concept primitif justifiant l'emploi des images — revient par le biais des automatismes numériques.
VARIA
La partie varia consacre ses colonnes à un retour sur une expérience autour de la typographie menée par la graphisteFanette Mellier. Yann Owens revient notamment sur la manière dont il est envisageable d’exposer de la typographie, comme ce fut le cas dans le cadre d’un Saison graphique pour son édition 2014 autour du travail de Fanette Mellier. L’expérience du design graphique se poursuit sur le mode de la fugue bicycliste avec un texte de Guillaume Sørensen (diplômé du Master création littéraire, Le Havre 2018) où l’aventure se noue entre les couleurs des affiches et les cadres rutilants des vélos. Enfin, Dominique Déhais fait le pari de montrer que le rapprochement entre des domaines aussi éloignés que l’art et l’économie politique sont l’occasion de s’aventurer dans un héritage symbolique parfois difficile à assumer du sacré.
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